Une petite révolution agricole est en cours dans les vastes plaines du nord de la France. Alors que la région des Hauts-de-France était autrefois principalement connue pour ses cultures telles que le blé, le colza, la betterave sucrière et le lin, on assiste aujourd'hui à une évolution des cultures. Les frites en particulier y sont très populaires.
La demande mondiale en frites surgelées – traditionnellement réservée aux Pays-Bas, à la Belgique et à l’Amérique du Nord – est devenue insatiable. Entre 2019 et 2023, la consommation de frites surgelées a augmenté de plus de 25 %, selon les chiffres du secteur lui-même. Cette croissance explosive a eu des conséquences majeures pour les agriculteurs, les transformateurs et les chaînes d’approvisionnement mondiales. En raison de la pression exercée sur les terres agricoles en Belgique et aux Pays-Bas en raison de rotations de cultures serrées, l'industrie est à la recherche de nouvelles zones de culture. Et c’est là qu’entre en jeu les terres agricoles abondantes et largement inexploitées de la France.
Terrain et stratégie
Les agriculteurs du nord de la France s'enfoncent littéralement plus profondément dans le sol. Les champs autrefois consacrés aux céréales, aux betteraves et au colza sont désormais remplis de pommes de terre. Cette transformation est motivée par des considérations économiques et une demande croissante de l’industrie. Les marges sont meilleures que pour les céréales ou les betteraves et les contrats sont stables et à un niveau de prix relativement élevé. La demande des transformateurs augmentant chaque année, elle est devenue une culture stratégique dans laquelle beaucoup investissent dans des entrepôts de stockage et de la mécanisation.
Des multinationales comme Clarebout, McCain Foods, Agristo et Ecofrost ont investi des centaines de millions d’euros dans la région en construisant ou en agrandissant des usines. McCain, qui possède déjà plusieurs usines en France, a annoncé l'an dernier un investissement de 350 millions d'euros pour augmenter la capacité de production de plusieurs sites. Clarebout a ouvert une usine ultra-moderne à Dunkerque en 2024. De nouvelles extensions de stockage et de transformation sont déjà à l'ordre du jour.
L’attrait est clair : la proximité des principaux marchés européens, l’accès à des quantités suffisantes de pommes de terre et un climat politique favorable. L’accent renouvelé mis par la France sur la souveraineté alimentaire depuis la pandémie de coronavirus a encore renforcé le soutien à la production nationale. Le climat – au sens propre comme au sens figuré – est plus favorable aux agriculteurs et aux transformateurs que dans d’autres pays de l’UE. En outre, il existe encore suffisamment de terres agricoles disponibles pour la culture de la pomme de terre, même si cela commence à devenir un problème dans certaines régions.
Plans futurs
La liste des transformateurs qui cherchent à étendre leur production ou à construire des usines entièrement nouvelles dans le nord de la France est longue. On a presque l’impression qu’aucune autre région d’Europe n’est aussi propice à la culture et à la transformation des pommes de terre :
En matière de pommes de terre, il n’y a pratiquement pas de frontière entre la France et son voisin du nord. La plupart des entreprises opèrent des deux côtés de la frontière. Les pommes de terre sont transportées dans les deux sens en fonction de l'endroit où elles sont nécessaires. En 2022, Aviko a construit une usine dans la ville flamande de Poperinge, qui s'approvisionne en grande partie en pommes de terre cultivées en France. Il a été récemment annoncé que l'entreprise travaillait sur un permis pour une future extension de capacité. Lutosa de Waregem, également en Flandre, a annoncé fin mars qu'elle allait moderniser son usine. Non seulement pour produire de manière plus respectueuse de l’environnement, mais aussi pour augmenter la capacité.
Un avenir en or ?
Outre une augmentation des capacités de transformation, la production de pommes de terre en France est également en croissance. Maintenant que les prix des céréales sont revenus à des niveaux normaux et que les betteraves sucrières sont moins attractives, les agriculteurs se tournent en masse vers les pommes de terre, une culture lucrative. L'année dernière, la culture de la pomme de terre a atteint un record de 178.000 16 hectares, soit une augmentation de 7,6 % par rapport à l'année précédente. Cela a donné lieu à une récolte de 17 millions de tonnes, soit XNUMX % de plus que la moyenne quinquennale. Si la tendance actuelle se poursuit, les champs du nord de la France récolteront encore plus cette saison.
Les transformateurs investissent avec une vision à long terme. À court terme, la situation est toutefois différente. Les prix sont sous pression, tant pour les agriculteurs que pour les transformateurs. En raison d’une baisse de la demande de frites, les transformateurs doivent rechercher de nouveaux marchés de vente et se battre pour attirer les clients. L’augmentation considérable de la production se retourne désormais contre le secteur, ce qui entraîne un déséquilibre entre la production et la demande.
La filière pomme de terre française est au carrefour de la tradition et de la transformation, où une filière traditionnelle rencontre une grande ambition industrielle. Si les premiers résultats sont une indication, le pays du vin et de la haute cuisine pourrait bientôt être en mesure d’ajouter une nouvelle icône culinaire à son répertoire : croustillante, dorée et glacée.