Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne (BCE), remettra les clés de son bureau à Christine Lagarde à la fin de ce mois. Draghi restera dans les livres d'histoire comme le premier patron de la BCE à ne jamais augmenter les taux d'intérêt. Lagarde sera-t-elle deuxième ?
Certes, cela paraît un peu étrange de parler de la présidence de Christine Lagarde alors qu'elle n'a même pas encore pris ses fonctions. Mais quand même... Si nous supposons que les estimations d'inflation de la BCE sont quelque peu correctes, alors l'inflation jusqu'en 2021 sera trop faible pour la banque. A savoir très loin de l'objectif : « en dessous, mais proche de 2 % par an ». En d’autres termes : aucune augmentation des taux d’intérêt jusqu’en 2022.
La BCE s’attend à ce que l’économie continue de croître. Pour plusieurs raisons, une récession généralisée dans la zone euro n’est pas attendue pour l’instant. Mais il me semble aussi certain qu’une récession surviendra dans les années à venir que le soleil se lèvera chaque matin. Les récessions sont une partie indissociable du développement économique. Vous pourrez peut-être le reporter un certain temps avec beaucoup d'efforts, mais vous ne pourrez pas l'éliminer.
Prenez le pistolet sur les taux d’intérêt
En cas de récession, il faudra probablement encore plus de temps avant que l’inflation augmente suffisamment pour la BCE. L’inflation et la croissance économique vont généralement de pair. Nous serons alors au moins bien en 2022, voire en 2023. Si l’inflation dans la zone euro commence à augmenter par la suite, la banque n’utilisera pas immédiatement le pistolet des taux d’intérêt. La BCE ne fonctionne pas selon le principe « tirer d'abord et ensuite poser des questions », mais plutôt selon le slogan « poser des questions sans fin pour ne pas avoir à tirer ».
La banque veut être convaincue à plus de 100 % que si les prix augmentent de près de 2 %, ils le resteront. A lire : à 2% d'inflation, les chevaliers monétaires de Francfort surveilleront la situation pendant un moment. L’année 2024 a déjà sonné et nous nous précipitons vers 2025.
Doigts d'une main
Seul le temps nous le dira, mais si l’on repense à sa présidence fin 2027, année au cours de laquelle Lagarde doit quitter la BCE, je ne serais pas surpris si le nombre de hausses de taux d’intérêt de la BCE se compte sur les doigts de une main.
Ce soupçon est confirmé dans un récent entretien avec Lagarde. Elle y affirme notamment que la politique de la banque centrale doit être basée sur « des faits et des données économiques ». Elle veut s'assurer que la BCE se concentre sur « la création d'emplois, la productivité et la stabilité ». Pour être honnête, elle me fait vraiment peur avec ça. Prenons la phrase selon laquelle la politique doit être basée sur des faits et des données économiques. Les actions d’une banque centrale, telles que les modifications des taux d’intérêt, affectent la croissance économique et l’inflation avec un certain retard.
Incitation avec des changements de taux d'intérêt
Il s’écoule un certain temps entre le moment où une banque centrale rend l’argent d’emprunt moins cher ou plus cher pour les banques et le moment où elles répercutent ces changements de taux d’intérêt sur le consommateur. Il faut ensuite un certain temps avant que le client final soit incité par ces changements de taux d'intérêt à ajuster son comportement. Cela signifie qu’une banque centrale, par définition, n’agit pas si des données économiques, telles que les chiffres de l’inflation ou de la croissance économique, reflètent des faits économiques.
En raison du ralentissement du mécanisme monétaire, une banque centrale moderne doit donc anticiper les évolutions futures. En d’autres termes : si vous attendez les faits et les données économiques, vous n’êtes pas seulement à la traîne des faits. Vous suivez la mauvaise politique. Par exemple, si vous baissez les taux d’intérêt, l’économie s’en rendra probablement compte lors de sa reprise. En tant que banque centrale, vous mettez donc de l’huile sur le feu.
Freiner trop tard
Et si la BCE augmente les taux d’intérêt pour ralentir l’économie, ceux-ci ralentissent en réalité (en raison des retards mentionnés ci-dessus) alors que la croissance est déjà en déclin. Bien que… ce ne soit pas nécessairement le cas à la BCE sous Lagarde. Elle a déclaré que la BCE doit créer des emplois, stimuler la productivité et garantir la stabilité. C’est comme si elle pensait que la BCE ne devrait pas réellement augmenter les taux d’intérêt. Les hausses de taux d’intérêt ralentissent la croissance, ce qui détruit des emplois.
Par ailleurs, la question est de savoir comment la BCE veut créer des emplois et comment la banque veut gérer la productivité ? Les entreprises créent des emplois et elles le font lorsque les perspectives économiques sont bonnes. Les politiques apparemment préconisées par Lagarde sont plus mauvaises que bonnes pour le développement économique à moyen terme. Avec un peu d’imagination, on peut comprendre comment une banque centrale peut créer des emplois, mais c’est particulièrement difficile en termes de productivité.
La BCE n'est pas impatiente
Ce chiffre augmente grâce à une meilleure formation, aux investissements dans la recherche et l’éducation et aux infrastructures modernes. La BCE va-t-elle reprendre les écoles et les centres de recherche et construire elle-même les réseaux 5G ?
Quelqu’un doit dire à Lagarde ce que la politique monétaire peut et ne peut certainement pas réaliser. En vouloir trop signifie un risque élevé de politiques erronées et de résultats économiques indésirables. Ce que veut Lagarde est pire qu’un banquier central qui dit vouloir une inflation élevée. Il ou elle saura au moins ce que la banque centrale peut et ne peut pas faire. Ce que nous disent ses opinions monétaires, c'est le soupçon que « sa » BCE n'est pas désireuse d'augmenter les taux d'intérêt.