Les cours du blé sur le Matif et le CBoT ont reculé significativement lors de la dernière séance de bourse. A la bourse de Paris, le prix est tombé bien en dessous de 400 € la tonne au plus bas depuis le 3 mai. D'où vient cette chute soudaine du prix du blé, selon de nombreux analystes ?
Le contrat blé septembre sur le Matif a clôturé hier à 392,25 € la tonne. C'est 3,6% de moins par rapport à la clôture de la veille et pour la première fois depuis plus de trois semaines, le prix est tombé en dessous de la limite de 400 €. Les autres contrats pour les vendanges 2022 ont également pris un grand recul. Le contrat de mai 2023 s'est clôturé à 380,25 €, également le prix le plus bas depuis le 3 mai. Sur la CBoT, le prix du blé a baissé de 6%. C'est également la limite quotidienne utilisée lors de cette foire.
La forte correction du prix du blé surprend plusieurs analystes. Il ne semble y avoir aucune raison directe à une telle évolution des prix. Selon certaines sources, l'ouverture éventuelle des ports ukrainiens de la mer Noire pour l'exportation de céréales joue un rôle important. Lundi, le président russe Vladimir Poutine s'est entretenu par téléphone à ce sujet avec le président turc Tayyip Erdogan. Poutine a clairement indiqué lors de cette réunion que la Russie était prête à faciliter les exportations sans entrave de céréales depuis les ports ukrainiens. Poutine exige que les sanctions occidentales contre la Russie soient assouplies. Le 8 juin, une délégation russe dirigée par le ministre russe des Affaires étrangères Lavrov se rendra en Turquie pour discuter d'un éventuel corridor maritime pour les produits agricoles, a annoncé hier le ministre turc des Affaires étrangères.
Selon certains experts, la réaction assez violente de la bourse de Chicago à cette nouvelle est liée à la fermeture des marchés lundi en raison de la fête américaine Memorial Day. Cela a permis aux nouvelles en provenance de la région de la mer Noire de prendre de l'ampleur et elles sont sorties d'un seul coup hier. Le marché du blé n’a pas beaucoup changé sur le fond, préviennent les experts. L’UE vient de parvenir à un accord sur un boycott du pétrole russe et on ne s’attend pas à ce que l’Occident soit disposé à réduire les sanctions tant que la guerre en Ukraine se poursuit.
Une saison de croissance difficile
Les conditions de culture du blé restent également une préoccupation majeure. Le rapport sur les progrès des récoltes du Département américain de l'Agriculture (publié hier à l'occasion du Memorial Day) évalue 29 % du blé d'hiver dans les champs comme étant « bon » ou « excellent » et 40 % comme étant « pauvre » ou « très pauvre ». L'année dernière, ce ratio était de 48 % « bon » ou « excellent » et de 19 % de « mauvais » ou « très mauvais ».
Les semis de blé de printemps accusent un retard considérable. Seulement 73 % de la superficie prévue a été ensemencée, alors que la moyenne quinquennale est de 92 %. L’émergence du blé de printemps est également nettement en retard. 42% sont désormais au-dessus cette saison, contre 69% en moyenne quinquennale. Dans les États où l'on cultive beaucoup de blé de printemps, comme le Dakota du Nord et du Sud et le Minnosota, la superficie consacrée au blé de printemps peut être considérablement inférieure en raison des conditions humides dans les champs. Si les semis sont effectués trop tard au printemps, le potentiel de rendement diminue et le risque pour les producteurs augmente. Le risque augmente que le blé ne mûrisse pas à temps avant l’arrivée du gel.
Malgré le fait que les prix du blé soient historiquement élevés, il existe une réelle probabilité que les agriculteurs n'ensemencent qu'une partie de la superficie prévue en blé. Une partie peut être remplie de soja qui pourra être semé plus tard. En outre, certains agriculteurs utiliseront une assurance contre les intempéries et laisseront les parcelles humides en jachère pendant un an, selon des sources. Les États-Unis ont fait des progrès significatifs dans les semis de maïs et de soja. Les progrès pour les deux cultures ne sont que de 1 % inférieurs à la moyenne quinquennale.