L’économie planifiée chinoise se heurte au marché laitier

Les grandes entreprises laitières d’État chinoises, notamment Yili et Mengniu, ont parfaitement rempli leur mission. Ces entreprises - elles sont au nombre d'une douzaine - ont créé une série de méga-laiteries sur le modèle des fermes Fonterra, que l'entreprise néo-zélandaise a maintenant vendue, et les imitateurs chinois les ont fait fonctionner à pleine capacité. Par exemple, Youran Dairy, filiale de Yili, possède 78 méga-fermes, et China Modern Dairy, filiale de Mengniu, 41.

Le résultat est que dans quelques années seulement, ces grandes entreprises laitières assureront la majorité de la production laitière (croissance) chinoise. Souvent avec l’aide de fourrages importés (principalement de la luzerne des États-Unis), mais cela n’a pas vraiment d’importance. Le résultat est là. Mais au détriment de plusieurs centaines de milliers de petits agriculteurs et transformateurs chinois. Ils n’ont pas pu suivre les sauts d’échelle réalisés par les géants laitiers (subventionnés). Leur production est désormais largement redondante et trop coûteuse. En peu de temps, ces entrepreneurs sont contraints de quitter leur activité, ce qui entraîne un gaspillage économique et une déforestation majeurs, mais peu remarqués.

L’excédent de lait créé a été en partie transformé en lait en poudre, mais il y en a également trop sur le marché intérieur. La Chine déploie aujourd’hui des efforts frénétiques pour exporter ce produit, mais elle récolte encore les fruits amers du scandale des aliments pour bébés de 2008. Les acheteurs étrangers n’ont pas beaucoup confiance dans le produit chinois, car ils ne font pas non plus confiance au système de contrôle chinois. Du moins en ce qui concerne les exportations.

Les difficultés économiques que connaît la Chine depuis la pandémie du coronavirus font le reste. En 2021, la consommation chinoise de produits laitiers était encore de 14,4 kilos par habitant, mais en 2022, elle était tombée à 12,4 kilos par habitant en raison de la baisse du pouvoir d'achat. Le taux de natalité toujours en baisse contribue également à ces problèmes. Cela s’applique certainement à la vente d’aliments pour nourrissons ordinaires. Le produit super-exclusif que FrieslandCampina vend, entre autres, semble immunisé contre cela. 

Malgré les importants excédents laitiers, il ne semble pas encore que les grandes entreprises laitières chinoises ralentissent beaucoup. Cependant, les importations de luzerne en provenance des États-Unis diminuent et les grandes exploitations laitières chinoises recherchent des alternatives moins chères, par exemple dans leur propre pays ou en Mongolie. L’inconvénient est que la qualité du fourrage est bien inférieure. Le jeu reste le même : celui de l’État et de l’économie planifiée contre les petits entrepreneurs. Cela provoque de nombreuses « pertes par friction ».

Cela ne se produit pas uniquement dans l’élevage laitier et le secteur laitier. L’élevage porcin chinois est également en difficulté, tout comme l’industrie automobile, qui a un objectif à atteindre pour la production de voitures électriques. Un objectif a été fixé dans le plan et il doit être atteint, même si le marché exige quelque chose de différent.

Le fait que la Chine lance des enquêtes sur des pratiques anticoncurrentielles en Europe et aux États-Unis, entre autres, dans le contexte de son propre projet hybride et de son économie de marché, ressemble à une mauvaise plaisanterie. Cependant, le jeu économique international n’est pas non plus une affaire parfaitement réglementée. Le commerce est aussi, et peut-être surtout, une épreuve de force entre les acteurs mondiaux.