Dernièrement, j’ai vu le débat s’intensifier sur la question de savoir si nous pouvons sauver la nature en nous concentrant sur ce qu’on appelle en anglais « land-sparing » ou « land-sharing » ? La raison de ce débat houleux est la prise de conscience croissante que la production alimentaire mondiale doit être suffisante pour nourrir toutes les bouches. L’agriculture intensive et l’environnement sont souvent présentés comme opposés. Comme si les deux étaient impossibles en même temps.
Je rappelle souvent que nous sommes les champions du monde de l’agriculture intensive et que nous le faisons de manière de plus en plus respectueuse de l’environnement. Alors si vous me demandez de choisir entre le partage des terres et l’épargne des terres, je réponds : Eh bien, cela dépend. Mais nous pouvons également sauver la nature en pratiquant une agriculture intensive, respectueuse de l’environnement et de la bonne manière. Le meilleur des deux mondes.
Pour être clair, l'épargne des terres signifie que vous vous concentrez sur une agriculture intensive, avec une production élevée par hectare afin de pouvoir nourrir la population mondiale avec moins d'hectares de terres agricoles. Cela vous laisse littéralement plus d’espace pour la nature. Ce qui mènera finalement à une meilleure nature. Le partage des terres, en revanche, suppose une imbrication beaucoup plus étroite entre l’agriculture et la nature, ce qui signifie que l’on produit littéralement aussi en partie de la nature sur les terres agricoles. Avec le partage des terres, il faut davantage d’hectares de terres agricoles pour produire suffisamment de nourriture pour nourrir la population mondiale. Mais dans l’ensemble, ce sera un système plus robuste et plus respectueux de l’environnement. Comme je l’ai dit, ma réponse à la question de savoir si nous devrions nous concentrer sur l’épargne ou le partage des terres est toujours : eh bien, cela dépend.
Dans le contexte néerlandais, ma position est que nous nous sommes concentrés sur la conservation des terres au cours des 70 dernières années. Nous avons considérablement augmenté la production par hectare et ainsi libéré de l’espace pour la nature ici et ailleurs dans le monde. Aux Pays-Bas, nous avons une séparation très stricte entre l'agriculture et la nature, parfois l'agriculture et la nature sont littéralement séparées par une clôture. Nous appelons un côté de la clôture la nature et l’autre côté l’agriculture. Malheureusement, l’agriculture intensive a un impact très négatif sur la nature qui a été libérée de l’autre côté de la clôture. Pensez à l’azote et aux produits phytosanitaires, mais la gestion de l’eau en agriculture a également un impact sur la qualité de la nature de l’autre côté de la clôture. Vue sous cet angle, la conservation des terres ne nous a pas apporté la qualité de nature dont nous avons besoin.
La barge à queue noire
Jetons également un œil à la barge à queue noire. Cette espèce emblématique des Pays-Bas prospère mieux dans les prairies largement gérées et pâturées. Le pic du nombre de couples reproducteurs de barges à queue noire aux Pays-Bas est fortement corrélé à la forme de l'agriculture au milieu du siècle dernier. Si nous continuons à nous concentrer sur la conservation des terres, la barge à queue noire n’aura plus sa place dans l’agriculture, mais dans les réserves naturelles qui ne sont pas gérées d’une certaine manière à des fins agricoles, la barge à queue noire ne trouvera pas non plus de place. Si nous voulons conserver la barge à queue noire aux Pays-Bas, nous avons besoin de zones que je qualifierais d’exemples parfaits de partage des terres.
On pense souvent qu’en choisissant l’épargne foncière, on crée tout l’espace et la liberté pour l’agriculteur hautement productif. Mais dans un pays densément peuplé comme les Pays-Bas, cette liberté sera toujours limitée car les zones agricoles de notre pays jouent également toujours un rôle de zones résidentielles et de loisirs. L’agriculture intensive devra donc continuer à répondre à toutes sortes d’exigences environnementales pour survivre, même en épargnant les terres. Il suffit de regarder les récentes décisions de justice sur l’utilisation de produits phytosanitaires à proximité des habitations et de la nature. Même en matière de conservation des terres, en tant que secteur agricole et horticole, vous devrez continuellement prouver que vos méthodes agricoles ne nuisent pas à la nature de l’autre côté de la clôture.
Perspective mondiale
Si vous regardez cela à l’échelle mondiale, tout est beaucoup plus simple. Les rendements à l'hectare y sont en moyenne si faibles par rapport à ce que nous obtenons ici que la question ne se pose pas pour moi de savoir ce qu'il faut faire là-bas, à savoir privilégier l'intensification. Mais l’accent mis sur l’intensification dans de vastes régions du monde doit être mis en œuvre en tenant compte des leçons que nous avons apprises. Alors oui, l’intensification ou plutôt l’augmentation de la production par hectare est la bonne voie dans de nombreux endroits sur terre pour pouvoir produire beaucoup de nourriture et garder de l’espace libre pour la nature. Mais si cette augmentation de la production s’accompagne d’un impact majeur sur l’environnement, parce que nous avons besoin de trop de produits chimiques ou de trop d’eau pour cela, l’impact sur la nature sera à nouveau négatif. Ici aussi, il est important de se concentrer sur la conservation des terres en privilégiant les méthodes et/ou techniques agricoles les plus respectueuses de l’environnement. C’est en partie notre domaine d’expertise. À mon avis, notre plus grande contribution au problème alimentaire mondial est de fournir des méthodes agricoles et horticoles qui combinent le meilleur des deux mondes.
Ma réponse à la question de savoir si nous devrions nous concentrer sur l’économie ou le partage des terres reste la même : cela dépend. Mais j’aimerais ajouter une chose : la nature peut très bien se passer de l’agriculture, mais l’agriculture ne peut pas se passer de la nature.
© DCA Market Intelligence. Ces informations de marché sont soumises au droit d'auteur. Il n'est pas permis de reproduire, distribuer, diffuser ou mettre le contenu à la disposition de tiers contre rémunération, sous quelque forme que ce soit, sans l'autorisation écrite expresse de DCA Market Intelligence.